Fear Inoculum
Date de sortie : 30/08/2019
Produit par : Tool
Une petite pensée pour tous ceux qui ont passé l’arme à gauche avant la fin d’une attente longue comme une génération, car il a fini par arriver. Mais avant de poursuivre, il convient d’avertir notre aimable lecteur. Si vos titres préférés de 10,000 Days sont "Vicarious" ou "The Pot", passez votre chemin. Après 13 longues années, le nouvel album de Tool risque d’en décevoir plus d’un. Comme le laissait un peu présager le premier extrait de cette nouvelle galette, Fear Inoculum signe et assume clairement le plongeon du groupe dans le versant prog de sa musique.
Exit les morceaux de bravoure rentre-dedans, même Maynard James Keenan ne pousse plus de la voix, hormis sur le titre de clôture "7empest", assurément le plus nerveux de cet opus, toutes proportions gardées. Pour son grand retour, Tool opte pour le calme de surface, l’introspection, poussons même l’outrecuidance jusqu’à parler de méditation contemplative. Un peu comme quand on se retourne sur les événements de sa propre vie, avec l’âge. Prenez "Reflection" qui clôt presque Lateralus, secouez avec les mille et un visages atmosphériques de 10,000 Days, et vous obtiendrez un chaînon manquant dans l’univers de Tool : un monolithe servant de véhicule, au sens bouddhiste du terme, pour un trip spatio-temporel tout en douceur. En tout, 80 minutes d’apparente sobriété, d’épure, de minimalisme de circonstance. Les titres ne se perdent pas dans des structures alambiquées, et s’enchaînent avec une cohérente fluidité. Plus que des chansons à part entière, ce sont des mouvements d’un même ensemble qui opèrent des glissements plutôt que des ruptures radicales.
Pour autant, tout n’est qu’apparence et trompe-l’œil (ou l’oreille, plutôt), comme toujours chez Tool. Rassurant. Car le groupe ne se renie pas pour autant. Il n’est nullement question de virage total, on est bien en terrain connu. Si l’ensemble peut paraître plus abordable qu’à l’accoutumée, plus limpide, il n’en est en réalité rien. A coups d’arrangements subtils, de nappes synthétiques, d’arythmies et de polyrythmies musicales propres à sa musique, de transitions aussi assassines et insidieuses que la lente érosion sur une falaise séculaire (celles de "Pneuma", pour ne citer qu’un exemple, sont redoutables et roublardes, elles apportent sans qu’on s’en rendent compte de l’agressivité à un morceau globalement hypnotique), Fear Inoculum se montre à vrai dire bien plus complexe qu’une seule écoute pourrait le laisser paraître. Passons sur le titre le plus court (moins de 5 minutes) et le plus singulier de l’album, "Chocolate Chip Trip" : sur une rythmique electro, Danny Carey livre une démonstration de batterie, à la fois bondissante et aérienne. Sans esbroufe mais avec maestria. Pour le reste, on se laisse d’emblée prendre par la main, à l’intérieur d’un même titre, mais aussi d’un morceau à l’autre, sans buter sur aucun obstacle. Mais une seule écoute ne permet d’embrasser que la superficialité des premiers lacis de l’album. Il convient d’effectuer à nouveau le parcours, en boucles infinies comme l’inexorable écoulement du temps, comme autant de cycles constituant le fil de la vie.
Et puis soudain, au détour de la énième traversée de l’album : le déclic ! Eurêka ! La clé pour apprécier pleinement cette nouvelle offrande se révèle, comme une évidence. Il s’agit d’accepter. Accepter que l’album restera fidèle à la ligne qu’il s’est fixée. Accepter qu’il ne tracera qu’un seul et même sillon, quitte à le creuser encore et encore. Accepter qu’il ne décollera jamais, mais qu’il demeurera en suspension. En lévitation, osera-t-on avancer. Alors seulement, toute sa complexité se fait lumière. Les structures des titres se dévoilent dans toute leur élégante sophistication. Et, individuellement, le monstrueux travail de chaque musicien, chirurgical, explose alors. Les nuances des lignes de chant de MJK (troublant d’émotion sur la première partie de "Descending", par exemple, mélancolique en diable ; ouais, il m’fout la chiale !), la beauté des mélodies des soli d’Adam Jones, les ondulations de la basse de Justin Chancellor, quand elle ne martèle pas le rythme, de manière quasi martiale (comme sur "Invincible", sur sa seconde partie), les breaks et roulements venus de l’espace de Danny Carey, ses transitions habitées aux tablas et autres percussions cristallines. Chaque partition apparaît alors comme autant de piliers soutenant un édifice majestueux et vaporeux, sculptés avec d’infinis détails. Un travail d’orfèvre qui s’aménage de l’espace dans sa densité.
Si Tool risque d’en laisser sur le carreau parmi les fidèles de la première heure, il gagnera certainement un nouveau public, plus réceptif à cette longue descente dans les arcanes du temps. Le temps nécessaire pour que Fear Inoculum, œuvre empreinte de sagesse apaisée, se bonifie. Ecoutes plurielles au casque indispensables, pour saisir la richesse de la production et les détails des arrangements. Les sons envahissent et traversent littéralement l’espace avec une ampleur magistrale. Bon(s) voyage(s) ! Moi, je retourne à ma 69ème écoute.
Moland Fengkov (11/2019)
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COREandCO (12/2019)
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