Amsterdam (Ziggo Dome)
18/06/2019
Voilà, ce mardi 18 juin 2019 aura vu la fin d’une disette qui aura duré 26 ans. Presque 10000 jours pour enfin conjurer le sort de la panne de la 104 Z sur la route du festival du
Devenir à Saint Quentin un soir de 1993... Fan de la deuxième heure (c’est avec Undertow que j’ai découvert le groupe), les obligations militaires (oui, en ce temps là, la
jeunesse offrait 10 mois de "service" à l’Etat) et de divers déplacements professionnels ont fait que j’ai loupé les tournées de 1997 jusqu’à cette année.
Donc, au lieu de voir mon groupe préféré dans des salles à tailles "humaines", je me retrouve avec mon épouse assis dans le virage sud, au 2ème étage de l’énorme complexe du Ziggo
Dome d'Amsterdam. Des gradins à la verticalité impressionnante donne une vue plongeante sur la scène. Nos sièges sont face à l’estrade de MJK. D’ici, aucune chance de voir son
maquillage. Il y a bien des écrans sur scène, mais il n’y aura pas de projections des musiciens... Oh ! Mais nous sommes à un concert de Tool, donc pas de culte de la personnalité
ici, les hommes du groupe sont au service de leur musique.
Ayant découvert le principe d’acousmatique lors du concert d'A Perfect Circle l’année dernière, nous avons choisi un emplacement pour privilégier la vue d’ensemble et le son. Nous
voilà donc dans l’axe de la régie à une quinzaine de mètres au dessus d’elle. C’est grave haut, trop haut même. Quand nous nous installons sur nos sièges (très confortables), Fiend
est en train de faire amende honorable devant un pit déjà bien garni et compacte. Mais voilà, nous sommes proches du plafond et le son paraît quelque peu "bouillie". Pas d’inquiétude,
ce n’est pas encore la grosse artillerie qui sera mise à disposition de la tête d’affiche. Pendant cette première partie, je tente de m’acclimater à la position de mon siège dans
l’espace (c’est grave haut quand même). Nous sommes face et à la même hauteur que l’heptagone qui surplombe la scène. Cette scène est énorme (tout comme la batterie de Monsieur Danny
Carey), et il y a 7 larges bandes LED verticales derrière les musiciens.
Quelques minutes avant 21h, la lumière s’éteint, et le son de l’intro de "Third Eye" me fait déjà hérisser les poils. J’ai beau savoir que ce n’est pas ce titre qui va être joué dans
la foulée (je n’ai pas pu résisté et j'ai consulté la setlist du Download de dimanche), tout mon corps est en mode mécanique et n’attend que ça. C’est alors que les filets tombent
quand le riff de "Ænema" déchire l’atmosphère après l’entrée de chacun des artistes sur scène... Ces quelques premières secondes sont trop rapides, plus qu’une remontée de terrain de
Johan Cruyff (son Arena est juste à côté du Ziggo Dome), et je découvre à ce moment-là un détail visuel super important : les filets. Je n’en ai jamais entendu parler ou vu sur les
photos des concerts antérieurs, et c'est une très belle surprise. De très grands filets tombent ainsi juste sur le devant de la scène et, depuis ma position entre les images venant
des 7 énormes bandes LED et les projections sur les filets en front de scène, c’est totalement magnifique. Le matin même, j’ai pleuré lors de la découverte (en vrai) des tableaux de
Vincent van Gogh, alors lorsque mes yeux captent les effets de mouvements en surcouche, tous mes sens sont en émois... Sauf mes oreilles, car le temps de cette première chanson, la
basse de Justin va s'écraser aura plafond (eh oui, je suis trop haut). Il faudra quelques minutes pour que l’équilibre soit trouvé.
Et je suis définitivement rassuré question son quand la voix d’or de Maynard entonne avec une pureté incroyable "Who are you to wave your finger?..." que le public s’empresse de
compléter. Et là, c'est l’apocalypse ; tous mes chakras explosent. Je n’ai jamais rien vécu de semblable. Une telle puissance avec une telle maîtrise... awesome, wonderful,
magic... mathématic! Quelques minutes avant, j’avais du mal à appréhender le vide devant moi, et maintenant je me retrouve la tête avancée au maximum pour aller
vers ces sources de puissances (visuelles et sonores). Je suis dans la caverne, et je suis ébloui par la lumière, je m’engouffre, je plonge dedans...
Vient ensuite le combo "Parabol/Parabola" avec son bridge magique qui fait tomber une chape de plomb en fusion sur une salle conquise. Trois titres en presque 30 minutes, voilà ce
que nous a présenté Tool en entrée du menu de ce soir avant l’arrivée de "Descending". Cette nouvelle chanson, en live, me fait penser à "You lied" (avis personnel qui n’engage que
moi) ; il y a quelques chromosomes en commun, et ce n’est pas pour me déplaire. Ce nouveau titre est incroyable, il sonne déjà comme un classique. C’est d’une richesse royale, et
j’interprète l’effacement de MJK à la moitié de la chanson comme un signe pour que les musiciens puissent s’en donner à cœur joie, et c'est vraiment le cas. Soit 14 minutes sans avoir
le sentiment que la sauce soit allongée, diluée. C’est parfait, équilibré, épique. La pyramide de feu éclaire toute la salle, et c’est magnifique. D'où je suis, je peux même
apercevoir le torse bombé de Danny Carrey cambré sur son siège, ses bras gros comme mes jambes bougent avec une volupté et une rapidité hallucinantes.
Attention, je ne dirais pas qu'Adam est meilleur que Justin ou que Danny, mais avec Tool en live, je me rends compte que c’est la batterie de Danny qui est au centre. Tout est
articulé autour. Son jeu est riche sans donner dans la surenchère ; rien de démonstratif, tout est efficace et juste. Ce qu’il réalise sur l’autre nouveau titre, "Invincible", est
tout simplement époustouflant. Avec la justesse et la précision du riff de Mister Jones, ce titre qui me paraissait pourtant fade sur YouTube est un chef d’œuvre (et oui, live
capture avec smartphone, ça ne sert à rien, il faut que l’on se le dise maintenant). Mais avant ce monument pyramidal, il y a eu le riff de basse qui a introduit les 9 minutes de "Schism" et où toute la technique de Justin Chancellor nous a été proposée sur un plateau
d’argent. Peut-être le plus discret (sur scène) des 4 membres, mais il est unique et indispensable à l’œuvre de Tool. Son langage corporel est hypnotique, et quand mes yeux se posent
sur lui, je rentre en résonance avec ses saccades.
Vient ensuite l’intemporel "Intolerance", le magmatique "Jambi"... et "Forty Six & 2" ! Là, je meurs une nouvelle fois. Le noir envahit la salle, et on à l’impression que la
poussière retombe (mes neurones aussi). Quand le compte à rebours de 12 minutes s’enclenche, je me dis que les titres de l’album d’Ænima sont vraiment mes préférées, et ceux
qui sont sublimés en live version 2019. Un petit brin de stress me remonte le long de la colonne vertébrale. Que vont-ils faire maintenant ? Qu’annonce ce compte à rebours ?
Craignant leur sens de l’humour, j’entrevois la possibilité de conclure le concert par un pathétique message "goodbye"... ou la présentation de nouveaux titres ? Qui sait, on n’est
pas à l’abri d’un miracle.
Bref, l’espoir mêlée à l’inquiétude, je ne sais pas sur quel pied danser au niveau émotionnel, d’autant qu’autour de moi tout le monde est abasourdi par la déflagration des 85
dernières minutes. Tool vient de jouer pratiquement 1h30, et je suis à l’agonie tout en étant confortablement assis sur mon siège. Tout mon influx nerveux a trépassé. Le public
termine le décompte, et Danny Carey nous offre un son analogique alambiqué sur lequel il nous fait une chouette démonstration technique. Dans l’obscurité totale qui arrive
progressivement, j’aperçois l’ombre de Justin s’avancer sur le front de scène. Et là, une intro est en cours de fabrication. C’est nouveau ? C’est juste une intro ? Qu’est-ce que
ces 4 lascars vont nous proposer ? Cette intro est organique, ça rampe, ça bouge lentement, ça prend du volume, et puis le tressaillement rapide de la cymbale nous emmène sur
l’enragé "Vicarious".
Cela joue encore plus fort, plus puissant que tout. Les riffs d’Adam sont des lames de rasoirs qui déchirent l’air, la basse de Justin est jouée sur des câbles attachés et tendus à
mes cervicales qui me transmettent toutes les vibrations de son instrument, la batterie de Danny fait désynchroniser mon cœur. Je suis en totale défibrillation. Mon sang circule dans mes
veines sur ses polyrythmies... Avec un Mister MJK parfait dans la rage contenue, parfait comme tout au long de cette folle soirée.
Et pour conclure, il m’ont offert (oui, juste à moi, car à cet instant je ne croyais plus qu’il la jouerait ce soir) le titre qui définit le plus l’ADN de Tool : "Stinkfist". Ça
tombe bien, car c’est l’une des plus populaires grâce aux diffusions de la vidéo en boucle sur MTV dans les 90's (et au presque 29 millions de vues sur YouTube). Avec le
vombrissement satisfactif de la salle sur l’intro, on sait que le public connaît cette chanson sur le bout des doigts, et que nous allons tous être heureux avec ce qu’ils vont nous
envoyer dans la gueule pour finaliser cette "evening with Tool".
L’interprétation est impressionnante, c’est le bouquet final d’une pièce montée en dentelle forgée aux confins du noyau terrestre, et qui nous apparaît dans cette salle grâce au
tonnerre de vibrations provoqué par les percussions du maître de cérémonie Danny Carey. Cet homme a réussi à fendre le sol pour laisser remonter ces effluves de souffre... les
plaques tectoniques se sont écartées à Amsterdam le temps de ce concert.
Déflagration
Magma
Hypnotique
Organique
Puissance
Maîtrise
Complémentarité
sont les mots de la soirée.
Tool est une expérience... Trois musiciens surdoués, et un chanteur chamanique à leur service, au service aussi des compositions, et qui les laisse jouir des applaudissements du
public lors des salutations finales.
Merci Maynard, Dany, Adam et Justin pour ce show.
J’ai essayé de retranscrire mon vécu avec ma formidable épouse lors de ce concert. Maintenant, il ne reste que quelques semaines pour, peut-être, découvrir la nouvelle pièce qui
mettra fin à 13 ans d’attente.
Quand on aime Tool, on apprend à aimer la patience.
Loïc Jurion (06/2019)
Setlist
Third Eye (intro)
Ænema
The Pot
Parabol
Parabola
Descending
Schism
Invincible
Intolerance
Jambi
Forty Six & 2
Intermission
CCTrip
Vicarious
(-) Ions
Stinkfist
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