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Existential Reckoning

Date de sortie : 30/10/2020 (BMG)

Produit par : Mat Mitchell et Puscifer



Faisant fi des mauvaises langues qui le cantonnent au seul titre de parolier de Tool, Maynard James Keenan ne s'arrête jamais ; il s'adapte aux événements, aussi et surtout il est vrai en fonction de son activité vinicole chez lui au fin fond de l'Arizona. Ainsi, alors qu'une tournée de Tool battait son plein début 2020 mais a dû brusquement s'arrêter pour cause de pandémie, lui est aussitôt repassé en mode Puscifer - bien que testé positif au COVID-19 fin février -, précipitant du même coup les dernières touches apportées à un quatrième album dédié à la succube alien.

D'abord considéré comme un projet solo qui permettrait à MJK, en s'entourant de divers invités, d'exprimer ce qui ne trouvait pas sa place musicalement au sein de Tool ou d'APC (au départ l'enfant de Billy Howerdel, même si dorénavant ils en partagent davantage la paternité), l'entreprise a ensuite pris des allures de troupe de cabaret itinérante. L'humour si particulier de l'homme de scène - dans tous les sens du terme - pouvait enfin battre son plein, tout en faisant par la même occasion un pied de nez à l'image de gourou de la pensée transcendantale que l'on a toujours tenté de lui coller bon gré mal gré.

Dès Fear Inoculum terminé, il s'était déjà penché sur des compos de Mat Mitchell (son complice depuis le début) pour s'y consacrer début 2019, intervenant comme d'habitude sur les bases musicales qu'on lui propose ; en témoignent les instantanés publiés à intervalles réguliers sur les réseaux sociaux. Et comme avec ses autres groupes, sa volonté a été de se placer ici à égalité à défaut de pouvoir se mettre en retrait. Après une dizaine d'années, le trio formé par les deux hommes accompagnés de Carina Round est d'ailleurs parvenu à trouver une complète harmonie. Mat Mitchell s'est aussi occupé jusque-là de la production et c'est donc encore le cas ici, tandis que la vocaliste britannique vient compléter au mieux la voix du chanteur.

Par contre air du temps oblige, la cuvée 2020 a des airs plus sérieux, comme un instantané de l'état de l'Amérique voire du monde. Ce n'est pas pour rien que le personnage de Billy D a disparu, enlevé par des extraterrestres (Rosetta stoned ?)... La musique se veut quant à elle faussement minimaliste, avec des beats et des nappes de synthé tout droit tirés des pionniers de l'électro, même s'il reste une ambiance générale et des riffs de guitare désormais reconnaissables. En tout cas, le résultat n'est pas froid pour autant, au contraire grâce à ces mélodies dont MJK a le secret et la maîtrise (avec ou sans effet). Il continue d'expérimenter, et on le sent prendre toujours plaisir à cela.


Nous ne sommes donc pas vraiment en terrain inconnu. Il reste ce côté groovy caractéristique par moments, amorcé par les premiers titres rendus publics "Apocalyptical" et "The Underwhelming", placés en début d'album. Il y aura aussi et en particulier "Postulous", dont le dernier tiers de la chanson "Theorem" est en quelque sorte un avant-goût à mi-parcours, rompant brusquement avec le début éthéré de cette dernière. Difficile alors de ne pas se laisser emporter, là où les morceaux plus calmes demandent davantage d'écoute et surtout de disponibilité.

Le thème de l'album est quant à lui "Comment connecter l'humanité au numérique ?" Ce n'est pas pour rien que son artwork est signé Daniel Martin Diaz, un artiste qui l'a également abordé et dont l'oeuvre fait écho au reclus de l'Arizona : "la psychologie, la philosophie, l’infiniment grand et l’infiniment petit, l’anatomie humaine et le cosmos, les motifs que l’on trouve dans la nature et qui invitent à la méditation". MJK semble s'en être inspiré en partie comme Alex Grey avait posé son empreinte sur Lateralus. Ce qui en ressort, c'est que l'Art peut être une partie importante du dialogue que nous pouvons créer et partager les uns avec les autres, alors que nous essayons de comprendre notre place dans l'univers.

"Here we are in the middle of our existential reckoning" : cette phrase dans "Bread and Circus" (du pain et des jeux) par lequel débute l'album annonce la couleur. MJK espérait que la situation amènerait à prendre du recul et à chercher à améliorer les choses, mais cela ne s'est pas produit. Tous ces débats d'experts auto-proclamés, ces complotistes exacerbés en ligne avec son lot de désinformation, de division... jusqu'à un "shut the fuck up" salutaire dans "Fake Affront" en fin de tracklist. Mais en pessimiste optimiste qu'il a toujours été, il veut garder espoir, avec ce souhait d'évolution omniprésent dans son oeuvre ("UPGrade"). "Everything's gonna be alright", peut-on entendre dans le titre "Bedlamite" qui clôt ce bilan de vie, mais d'une façon ambivalente ; comme pour essayer de s'en convaincre.


Christophe Muller (10/2020)

Merci à Replica Promotion



Reviews extérieures

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