De nos envoyés spéciaux Nicolas et Anaïs, avril 2019
(photos par Nicolas Dupayage)
Me voici en Arizona pour rendre visite à Cheryl, qui est comme une deuxième mère pour moi et qui vient de s’y installer il y a 5 mois. C’est mon deuxième jour dans cette très belle
région qui est à l’image que l’on se fait du Far West : de majestueux Red Rocks se dressent de toute leur hauteur et me font me sentir minuscule, la nature sauvage s’étend sur des
kilomètres : un panorama que je n’avais jamais vu jusqu’alors. Je foule la terre sacrée des natifs américains, les Navajos notamment, je ressens les vortex d’énergie découverts par
les indiens jadis, étudiés par les scientifiques aujourd’hui. C’est beau à couper le souffle. Cheryl qui vit à Sedona me propose de visiter la ville voisine de Jerome, ancienne ville
minière, autrefois opulente grâce à l’extraction du cuivre, de l’argent et de l’or. On dit que Jerome est hantée… par d’anciens pionniers.
En dépit d’une vue magnifique, à mesure que je monte vers la ville qui se trouve sur les collines, son allure délabrée ne me dit rien qui vaille. Je fais cependant bonne figure face
à mon hôte qui me conduit ici, et j’ignore encore que je ne suis pas au bout de mes surprises… Nous entamons la visite de la ville, et les premières vitrines commencent à nous
raconter des histoires de fantômes et de créatures d’outre-tombe. C’est plutôt sympa... Dans une boutique, je tombe sur un faux Michael Myers brandissant un couteau, puis sur une
gargouille levant au-dessus de son gosier une bouteille de Caduceus. Mais tiens !? C’est vrai que Maynard possède des vignes dans cet Etat, et qu’il y produit son propre vin. Je
demande au vendeur - dont le look barbu, chevelu, tout de noir vêtu laisse imaginer qu’il écoute la même musique que moi - s’il peut m’indiquer où je pourrais en trouver une
bouteille ; il me répond, un peu surpris, que j’en trouverai à la cave à vin du coin. J’aperçois une boutique de spiritueux de l’autre côté de la rue, et je vais y jeter un œil :
ils ne vendent pas de Caduceus. Je continue mon ascension de Jerome, passe devant le "Haunted Hamburger" et des panneaux qui conseillent de se méfier de cette "wicked city", quand
tout à coup l’enseigne d’un magasin en contrebas me tape dans l’œil : c’est le logo de Puscifer !
Je gagne la rue de la boutique en question, et découvre qu’elle est sur le même trottoir qu’un bar, le Caduceus Cellars. Je suis chez Maynard ! (j’apprendrais plus tard que c’est
ici qu’il habite et que sont la majeure partie de ses vignes) La spirale s’empare de moi, jusqu’à faire exploser un feu d’artifice dans ma tête! La boutique comprend un rayon
vinyles très éclectiques ; j’y trouve du Prince, du Cypress Hill ou encore du Aphex Twin. J’y rencontre Lacey la vendeuse, qui m’explique que ce sont ses bébés, et que Maynard
organise chaque année à Jerome un rassemblement de labels indépendants lors du Record Store Day, où se retrouvent artistes, petits labels, vendeurs et acheteurs de vinyles. La
chanteuse Carina Round y a d’ailleurs donné un concert samedi dernier (le 13 avril 2019). J’ose lui poser la question que tout le monde doit lui poser… Connait-elle la date de
sortie du prochain album de Tool ?! Elle me répond qu’aucun membre de son staff ne sait quoi que ce soit, hormis ce qu’il poste sur Twitter. « Il sait garder un secret. »
Au fond se trouve le bar, où l’on trouve des vins produits dans la région, mais pas de Caduceus. Il y a cependant du vin blanc pétillant "Puscifer Queen B" en canette. Le barman et
manager, David Baird, m’apprend que Maynard a créé la coopérative Four Eight Wineworks en 2011, sorte d’incubateur de vins. Elle promeut et permet à de petits producteurs d’utiliser
ses installations. David est lui-même vigneron, posant ici avec ses propres bouteilles d’Oddity.
Après avoir siroté une bière locale et admiré le somptueux panorama que m’offre la fenêtre du bar, j’emprunte un escalier qui me mène à l’atelier et à la boutique de vêtements à
l’effigie des groupes Tool, APC et Puscifer. Kris, la couturière, pétillante bonne femme aux sourcils et cheveux bleus, m’accueille par un joyeux « Welcome downstairs! » Elle
m’explique qu’ici sont recyclés les anciens t-shirts de tournée. Il y a effectivement un bac de t-shirt à 10$ et un à 5$ ; il y également des créations uniques qu’elle confectionne,
des coussins et des t-shirts à slogan imaginés par Maynard. Elle m’en montre un sur lequel des bouchers sont sur le point d’attraper un hipster en espérant que sa viande n’aura pas
trop le goût de chloroforme. « Maynard a un sens de l’humour un peu particulier. » me dit-elle en riant. Elle me confie cependant qu’il n’est pas en ville en ce moment, car il
répète pour la prochaine tournée de Tool qui débute en mai aux Etats-Unis. Elle m’explique également que chaque membre de la boutique a une fibre artistique (crochet, livres en
cuir…), et que la créativité y est encouragée. A côté du rayon textile se trouve le barbier, des montages photo de personnalités avec moustaches (Angelina Jolie), barbes hirsutes
(Georges W. Bush) ou coupes zulu (Barack Obama) tapissent le mur, les produits de coiffage ont également des étiquettes empruntes d’humour. Franck, le barbier, absent aujourd’hui,
ne coupe les cheveux qu’aux hommes, à moins qu’une femme ne lui demande une coupe masculine.
Je sors de la boutique, et je me dirige vers le bar à vins. Alissa, amicale barmaid, m’invite à m’asseoir et me sert une sélection de Caduceus. Je suis agréablement surpris par la
qualité des vins ; certains portent le nom de Nagual del* Judith, Agostina ou encore Marco. Ils sont plus chers que les vins français que l’on trouve dans le pays : à partir de 50€
la bouteille. Je fais la connaissance de Brian Sullivan, le charismatique manager présent depuis l’ouverture de l’établissement, ancien restaurateur et dans le métier depuis 1989.
« Vous aviez 10 ans à l’époque. » me lance-t-il avec sympathie. Il me confie que son Caduceus préféré est le Sancha, mais que cela pouvait varier selon son humeur. J’apprends
également que depuis 2015, Maynard mentionne également pour chaque cru les groupes qu’il a écoutés en pressant le raisin sur la carte des vins (par exemple pour le Nagual Del
Agostina 2016 : les Melvins, Pigface, Born Without a Face). Les cépages sont principalement italiens, mais également espagnols et français. Le staff m’apprend enfin que Maynard
possède un restaurant dans la ville voisine de Cottonwood : le Merkin. « C’est délicieux. » s’enthousiasme Kris. Je n’aurais malheureusement pas le temps d’aller y goûter les pâtes
et le pain fait maison… La prochaine fois que je reviendrai à Jerome peut-être.
* "Nagual del" est une formule amérindienne désignant la double personnalité Homme/animal.
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