Depuis
les années 80, l'artiste Mackie Osborne s'est occupé du design et des
illustrations de nombreux albums. Comme elle est également l'épouse de
Buzz
Osborne des Melvins, on lui doit notamment l'artwork d'une grande
partie de ce qu'a sorti le groupe, et on la retrouve encore à l'œuvre pour le label Ipecac de Mike Patton.
Enfin,
elle a collaboraté à maintes reprises avec Adam Jones pour Tool.
Salival
: Quel a
été votre parcours au départ ?
Mackie Osborne : Je suis allé à la fac pour y étudier la conception
graphique. J'étais en Arts appliqués et Design à l'université
d'Etat polytechnique de Californie. C'est technique.
Quand avez-vous commencé
à faire des pochettes d'albums ?
Au départ, c'était pour des groupes punk au début
des années 80. J'ai conçu le symbole du squelette de Social Distortion
et d'autres choses pour eux, ainsi que des pochettes pour d'autres
groupes comme
DxIx, The Offspring, Rancid...
J'ai suivi et j'apprécie
ce que vous avez fait pour les Melvins et Ipecac en général ; pouvez-vous expliquer la démarche que vous
adoptez à chaque fois ?
C'est tellement
différent à chaque fois. Cela dépend vraiment beaucoup
du groupe et du projet.
Parfois j'écoute la musique, parfois je n'en ai pas la possibilité. Parfois j'ai une image qui me vient à l'esprit, parfois
j'ai une idée de présentation qui me vient...
ou bien
c'est une couleur avec laquelle je veux travailler, un dessin
que je veux utiliser,
un thème que je veux suivre.
Je pense que ça commence presque toujours par
moi qui suis assise en face de
ce putain d'ordi le regard scotché à l'écran.
Y a-t-il des artistes
(quel que soit leur domaine) qui vous ont influencée ?
Mes designers
préférés sont Alex
Steinweiss,
Lester Beal, Alan
Lustig, Paul Rand...
Parmi ceux de maintenant,
j'adore Chipp
Kid et
James Victore. Je ne
pense pas que vous aurez à chercher loin pour comprendre leur
influence sur mon travail. Parmi mes artistes actuels préférés, il y a Neckface, Marcel Dzama,
Gary Baseman, Georgeanne Deen.
Buzz et Adam Jones sont très bons amis depuis de nombreuses années ;
je suppose que c'est comme cela que vous avez commencé à travailler
pour Tool ?
C'est
possible, mais je connaissais les gars de Tool avant même qu'ils
ne fassent leur premier concert. J'étais déjà amie avec Maynard et
Danny à
l'époque de Green Jellö.
Ce
que j'aime chez Buzz et Adam, c'est qu'ils n'ont pas pris la grosse
tête et qu'ils sont toujours dévoués à la musique. Comment les
décrireriez-vous en restant objective ?
Adam est
réellement quelqu'un de très gentil. Je ne dis pas ça comme ça. Il est réfléchi, honnête et très sensible.
Il est talentueux, créatif,
ouvert d'esprit, et c'est très agréable de travailler avec lui. Buzz est quant à lui l'une des personnes
les plus intelligentes que l'on puisse
rencontrer. Il y a dans sa tête tellement de
choses
tout le temps que je suis
sûr qu'un jour elle va exploser. Une des choses les plus remarquables à son sujet,
c'est que quand il se met à quelque chose, il le fait à 110%. Il a commencé à jouer au golf il ya quelques
années de cela, et il allait
quasiment jouer tous les jours,
parfois deux fois par jour. Il
lisait des livres sur
le golf et regardait des vidéos sur YouTube. Il jouait avec des amis qui ont joué toute leur vie et leur mettait la pâtée.
Il ne plaisante pas. Il
a aussi un vrai sens pratique et c'est
un homme d'affaires très avisé,
en plus d'être un musicien incroyablement talentueux.
Il y aurait encore à dire,
mais bon...
Si je ne me trompe pas,
vous avez commencé à travailler pour Tool avec le design de Salival ? Comment s'est passé cette première
collaboration ?
C'était
sympa. Je connais le groupe et je suis fans depuis le début, donc je
suis en accord avec son esthétique. J'ai bien aimé travailler avec Adam
pour faire de sa vision quelque chose de concret sur le papier. Cela a
été de mieux en mieux et de plus en plus facile à chaque fois, même si
cela nous demandait de bosser jusque très tard.
Je
suis certain qu'il sait exactement ce qu'il souhaite obtenir, mais
aviez-vous la possibilité parfois de proposer quelque chose de
différent ?
Cela dépend des
projets dont il était question. Pour certains
d'entre eux, Adam avait des idées bien précises en tête
et des gens avec qui il voulait travailler en ce qui concerne
les illustrations, comme Alex
Grey et Chet
Zar. Pour la récente édition limitée que nous avons
faite [d'Opiate],
il voulait
Adi
Granov. J'ai pu y aller de mon avis sur l'apparence de l'illustration
finale et sur ce que ça donnerait.
A partir du dessin d'Adi, j'ai pu alors concervoir l'ensemble.
Pouvez-vous dire quelle
était l'idée de départ pour Salival, Lateralus et 10,000 Days (pour lesquels vous avez également conçu
le logo du groupe) ?
Oui, j'ai fait les logos de
Lateralus
et 10,000 Days,
ainsi que d'autres choses pour Tool, mais c'est trop difficile de
répondre à cette question, désolée. Je dirais juste qu'il y a toujours
quelque chose qui s'efforce de parvenir à une sensation de troisième,
voire peut-être de quatrième dimension dans le monde en 2D.
La dernière chose que vous ayez faite pour Tool est donc la nouvelle
édition d'Opiate ?
C'est en
effet le projet le plus récent sur lequel nous avons travaillé.
Nous avions
fait ça pour les
Melvins et nous avons eu de bons retours, donc Buzz
a suggéré l'idée à Adam. Nous avons imprimé 1000 copies de chacune des cinq
versions. Chaque
version avait des choses différentes pour
l'accompagner, un
peu comme une surprise
dans une boîte de céréales. Tout
s'est presque vendu instantanément. Tous les exemplaires ont été signés par les quatre
membres du groupe et pliés à la main au QG de l'outil par moi, Buzz et plusieurs autres personnes... Ça
a pris du temps.
Participerez-vous à
l'artwork du prochain album ? Y a-t-il déjà des idées ou cela
viendra-t-il une fois les titres terminés ?
C'est à Adam qu'il faudrait
demander ça. Nous avons parlé de ce qui pourrait faire que l'emballage
soit unique, et quelques
idées vraiment intéressantes
ont émergé.
Vous avez aussi mis en
page le livre de Chet Zar, Black Magick. Est-ce par l'intermédiaire de Tool que
vous l'avez rencontré et que vous collaborez maintenant avec
lui, comme c'est le cas avec Kevin Willis ?
Nous avons rencontré Chet
il y a bien des années de cela par
l'intermédiaire d'Adam.
Buzz et
moi avons été parmi les premières personnes à lui commander une peinture. J'ai
travaillé sur plusieurs ouvrages avant celui de Chet : un pour les Melvins,
un sur
l'art antique pré-inca intitulé Ancestors of the Incas, d'autres pour le département d'Histoire
Naturelle
de l'Université
de Princeton, et quelques-uns pour l'une de mes artistes préférées,
Georgeanne Deen... J'adore
mettre en page des livres, cela fait vraiment partie
de ce que j'aime le plus faire. Pour revenir à
Chet, lui et moi
parlions depuis des
années de faire un livre, et nous avons
même travaillé dessus,
et puis Jon Beinart a proposé de publier un livre
d'art à partir des œuvres de Chet. Nous nous
sommes alors réunis, et nous avons concrétisé tout
cela. Je suis super
contente de la façon dont ça s'est fait. Chet est
un artiste incroyable, et c'est très agréable de travailler
avec lui ; quant à Jon Beinart, il essaye vraiment de faire des livres qui ont quelque chose de particulier.
Dans
le rock et le
métal,
il y a encore beaucoup de créativité quand il est question de l'artwork
qui accompagne un album. Ne pensez-vous pas que c'est ce qui
pourrait sauver le format physique ?
Je ne pense pas que ce qui
entoure un album survivra tel que nous le connaissons. Depuis que la
musique se trouve gratuitement sur Internet, peu de personnes achètent
encore des albums, le nouveau Mac Book Pro n'a même plus de lecteur
CD-Rom... Je peux bien sûr me tromper. Je pense que les éditions
spéciales limitées telles que nous l'avons fait pour la nouvelle
édition d'Opiate représentent
une nouvelle possibilité, mais le marché de la musique et la façon de
se faire de l'argent vont être très différents à présent.
Est-ce que vous
connaissez voire appréciez l'œuvre de personnes comme Aaron Turner,
John Baizley ou Seldon
Hunt ? Peut-être avez-vous d'autres noms qui vous viennent ?
La musicienne Ani Di Franco propose à
chaque fois ce qu'il y a de plus beau. Je suis toujours époustouflé par ses choix.
J'ai aussi toujours aimé ce que faisait Björk... En ce qui concerne des
artistes en particulier, je ne fais pas vraiment attention aux pochettes
d'albums en tant que tels.
Je recherche plutôt
l'inspiration chez les designers que j'aime, comme en ce moment
James Victore et Chip Kidd, plus tous les autres que j'ai mentionnés précédemment.
De
ce que vous avez fait jusque-là, y a-t-il des choses dont vous êtes plus
particulièrement safisfaite, ou dont vous ne voulez plus entendre
parler ?
Ce que je
préfère parmi ce que j'ai fait : le livre des Melvins, Neither here nor there, le jouet
Melvins, Salival, le
squelette pour Social Distortion, la box Melvins, la pochette que j'ai faite pour Bad
Religion [The Process of Belief, 2002], celle pour Tricky [Vulnerable, 2003], ou encore une autre pour un groupe qui
s'appelle Victory and Associates... S'il y a des choses que je
souhaiterais voir disparaître, je pense que c'est déjà fait.
Et avec qui rêvez vous
ou auriez-vous rêvé de travailler avec ?
Vivants : Madonna, Barry Adamson, Nick Cave, PIL ou n'importe quel
autre projet de John Lydon, David Lynch.
Trop tard : Pink Floyd, Wipers, Soundgarden, Meat Puppets, The Who,
The Sex Pistols...
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