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La sortie d'Opiate2 en Blu-ray est l'occasion de se pencher sur le travail de Dominic Hailstone, créateur anglais de monstres pour le cinéma, mais pas que. Pour Tool, il a également travaillé avant cette vidéo sortie en 2022 - pour les 30 ans de l'EP Opiate - sur les visuels de leurs concerts ou la vidéo à l'intérieur du package de Fear Inoculum.


Tu as appris les effets spéciaux par toi-même. Comment as-tu réussi à démarrer et à travailler sur de gros films comme Entretien avec un Vampire ?

Dominic Hailstone : Oui, c'est vrai. J'ai commencé à faire des effets spéciaux avec un prothésiste très connu qui s'appelle Duncan Jarman. Nous avions l'habitude de faire des courts métrages avec un gars qui s'appelait Alex Chandon. Nous nous sommes tous les deux lancés dans le cinéma en rencontrant un artiste appelé Neil Gorton aux studios Shepperton, qui le premier nous a donné notre chance. En dehors de cela, j'avais l'habitude de passer par-dessus le mur ou de passer devant la sécurité des studios Pinewood, puis de faire le tour pour voir tout le monde.
Quant à Entretien avec un Vampire, cela a été un pur hasard. Je travaillais chez Image Animation, et un gars est arrivé en disant qu'ils avaient besoin d'un alligator pour tuer Tom Cruise. Tout le monde était occupé, alors ils me l'ont refilé alors que je venais tout juste de commencer à travailler là-bas. Je l'ai construit très rapidement en 3 jours, en le bricolant à partir du squelette de Frank dans Hellraiser qui traînait par là. C'était merdique, mais au moins je peux dire que j'ai aidé à tuer Tom Cruise, et j'en suis particulièrement fier comme c'est la seule fois où ça a été fait dans un film.

J'ai découvert que tu as également travaillé sur l'impressionnant clip de "Come to Daddy" d'Aphex Twin. Comment c'était de travailler avec Chris Cunningham ?
Il était très amusant et intelligent aussi, ce qui aide toujours. Il ne te laissait jamais assez de temps pour faire ce que tu avais à faire et il changeait toujours d'avis, mais c'est assez courant chez les bons réalisateurs.

La vidéo que tu as réalisée pour "Holy Tears" d'Isis était également étonnante. Comment c'est arrivé ?
Merci. Je ne souviens plus trop comment je les ai rencontrés, mais c'était probablement par l'intermédiaire de Chet Zar ou de Brian Williams (Lustmord). Ou c'était peut-être grâce à Adam Jones.

Quelle était l'idée pour ce clip ?
C'est au spectateur d'en interpréter la signification, mais les visuels sont basés sur un documentaire que j'ai vu sur les cascadeurs lorsque j'avais dans les 5 ans, et j'ai juste repris ce dont je me souvenais.
C'est aussi en rapport avec une blague à moi, qui était : "Si je décidais de me suicider en sautant d'un immeuble, je détesterais découvrir en tombant que ce qui manquait dans ma vie était le parachutisme."

Tu as ensuite réalisé le clip de "Batcat" pour Mogwai. Parles-tu avec les groupes pour ce genre de vidéos ?
Non, je ne parle généralement pas du tout avec les artistes pour lesquels je fais des clips, juste avec la maison de disques.

     

J'ai été récemment surpris que tu étais aussi derrière les artworks des albums This Beat is Necrotronic et Music of bleak Origin de Necro Deathmort. C'était très différent comparé à l'univers visuel que l'on connait le plus de toi.
Je ne pense pas qu'avoir un style soit particulièrement important, alors j'essaie de m'adapter au projet. Avec Necro, je voulais juste relever le défi alors j'ai décidé de faire quelque chose que je n'avais jamais fait auparavant.

En parallèle, tu as réalisé le court-métrage The Eel en 2004. Peux-tu nous en dire plus ?
C'était principalement en réaction à la musique de Robert Clunne, mais j'avais aussi des visuels similaires dans ma tête en écoutant "The golden Eel" de Ween, alors j'ai fait un mix des deux.
Bizarrement, une personne m'a contacté par la suite pour me demander si j'avais déjà entendu Ween, car en écoutant cette chanson elle s'imaginait des choses semblables.

Comme tu utilises des effets spéciaux traditionnels mélangés à du numérique, comment procèdes-tu ?
Je n'utilise pas beaucoup de numérique, car je trouve cela ennuyant. Il s'agit surtout de marionnettes, même si elles sont composées sur ordinateur.
Je n'ai pas de méthode de travail particulière, mais lorsque je fais des effets spéciaux, en général je scénarise d'abord, puis il m'arrive de l'animer si je pense que cela doit être synchronisé avec la musique. Je fais le plus souvent des tonnes de dessins, car cela aide à clarifier les choses pour l'équipe.

Alien: Covenant a dû être une étape importante pour toi.
C'était incroyable, et je me pinçais tous les jours. Ridley [Scott] est une bête, et je n'ai jamais été aussi impressionné par un réalisateur. Mon souvenir préféré est d'avoir regardé The Eel avec lui, et qu'il s'est alors mis à crier : "Putain, c'est vraiment comme l'alien !" J'emporterai ça dans la tombe.
Cela va sembler con, mais je ne considère pas cela comme une étape importante car je n'avais pas fait de sculpture réelle depuis 15 ans. C'était comme retourner à mon ancien travail. Cependant, Alien est l'une de mes principales influences en tant que cinéaste, et j'ai donc été très heureux d'y participer.
J'ai d'abord été approché en tant qu'assistant réalisateur, mais le fils de Ridley nous a rejoints et j'ai été mis en retrait, ce qui a été une grande déception. Cela aurait dû être un grand pas en avant, mais j'ai en fait régressé. J'ai néanmoins travaillé avec des amis et je me suis amusé, donc ce n'était au final pas très important.

J'ai vu le concept art que tu fait pour ce film. Quel regard portes-tu sur ce qui a été tenté ? (et qui n'a pas été bien reçu)
L'histoire initiale était plus intéressante car elle ressemblait à L'Ile du Docteur Moreau, mais les grands studios de cinéma changent toujours tout, donc beaucoup de choses ont été jetées.
Je pense qu'ils auraient dû creuser dans le côté science/mutation ; personnellement, c'est ce qui me fait flipper. J'ai tellement vu de choses que sans questions précises, c'est difficile d'en dire plus.


 

Et quand as-tu rencontré Adam Jones ?
Il m'a contacté à l'époque de The Eel, puis je l'ai rencontré pour la première fois dans une galerie d'art.
Nous nous sommes bien entendus, et nous nous sommes dits que ce serait bien de faire quelque chose ensemble. Cela fait ainsi environ 10 ans que je travaille avec Tool. Cela représente facilement plus de 2 heures de visuels, dont certains sont visibles lors des concerts, et d'autres sont top secret.

As-tu jeté un œil à ce qu'il a fait pour Stan Winston, et était-ce facile de communiquer avec lui du fait de son expérience dans les effets spéciaux et la réalisation ?
Absolument. Je me tiens bien informé, et je connaissais donc déjà Adam et ce qu'il avait fait. Lui et moi, nous parlons le même langage, qui est essentiellement basé sur les effets spéciaux et les films de monstres. Contrairement à la plupart des gens, nous savons tous les deux ce que c'est que de travailler pendant des mois sur quelque chose juste pour que cela ne soit finalement pas gardé dans un film. Tu fais une tête qui explose censée n'être vue qu'une seconde, et puis c'est coupé, mal éclairé ou tout simplement jamais filmé. Les chances de réussite sont assez faibles, de sorte que cela t'apporte une certaine discipline.
Adam comme tout bon artiste travaille à l'instinct, ce qui peut rendre certaines personnes folles ; mais si tu comprends cette façon de faire, cela rend les choses faciles et ça apporte beaucoup de liberté. Je lui dois beaucoup.

Tu connais Chet Zar, qui lui aussi vient des effets spéciaux et a beaucoup travaillé avec Tool.
Oui, je connais Chet et je l'apprécie énormément. Comme bien d'autres, je lui dois beaucoup ; c'est un homme exceptionnellement généreux. J'aimerais un jour travailler avec lui.

Ce que tu fais colle bien à Tool. Quelle est ton opinion sur ce qu'ils ont accompli et ce qu'ils représentent ?
Pour être honnête, je n'ai aucune idée de ce qu'ils représentent, et c'est peut-être la raison pour laquelle ça colle bien ; mais leur musique est excellente, et c'est sûr qu'ils ont accompli beaucoup de choses, surtout quand tu vois à quel point ils sortent des clous.
Ce qu'ils font est très impressionnant, surtout en live quand tu les vois jouer leur truc à la perfection.

Tu as déclaré que tu avais disposé d'une entière liberté pour réaliser la vidéo Opiate2. Est-ce que cela signifie que c'est ta propre interprétation de la chanson, ou est-ce tout autre chose ?
C'est mon interprétation dans une certaine mesure, mais c'est aussi une vieille idée que j'ai toujours voulu faire, et j'ai fait un mix des deux. Ce genre de choses est toujours façonné par des forces extérieures à ton imagination, en général en fonction du temps et du budget dont tu disposes, donc ce n'est pas comme si tu pouvais faire comme tu veux. Cela ressemble davantage à un puzzle. Par exemple, le break dans la chanson n'était ni prévu ni budgété, et j'ai donc dû trouver quelque chose pour remplir ces 3 minutes. Tu fais avec et tu vois ce qui en ressort, ce n'est pas particulièrement conscient. C'est plus : "J'aime bien ce rendu à la caméra, utilisons-le."

Comment se passe la communication sur ce genre de tournage ?
Les artistes peuvent être difficiles à gérer et ils ont tendance à être un peu instables, ce qui peut causer des problèmes sur une production. Donc j'essaie d'embaucher principalement des techniciens, ou alors des artistes avec de bonnes connaissances techniques.
Ma façon de faire consiste en général à expliquer ce que je cherche à obtenir, et si ça ne fonctionne pas alors j'imagine quelque chose qui, je l'espère, aura du sens pour eux.
Par exemple, lorsque Javier ouvre sa main dans la vidéo Opiate2, il ne le faisait pas correctement, et donc je lui ai dit : "Regarde ta main comme tu le ferais si tu étais sous LSD." Ça a marché.

A propos du fait que tu n'utilises pas trop le numérique, je me suis fait avoir je pense à cause des textures et des mouvements. Comment fais-tu pour obtenir un tel résultat ?
Beaucoup de textures sont déjà présentes avec les marionnettes, même si je comprends ce que tu veux dire.
Ce que j'essaie de faire, ce sont des choses difficiles à obtenir par ordinateur. The Eel par exemple a des prises de vue avec des particules dans l'eau réagissant à l'anguille, ce qui était impossible à faire en 2004.
Dans Opiate2, c'était la saleté qui jouait un plus grand rôle dans la vidéo avec la créature qui roule vraiment dans la boue. Tu peux faire ce genre de choses assez facilement maintenant, mais on a fait ça en 2015. C'est la vie.
Il y a quelques plans dans Opiate2 qui sont complètement en réel, mais dans la plupart des cas c'est du 50/50. Ce que je fais habituellement, c'est d'abord filmer les marionnettes, faire un montage, filmer les acteurs plus tard, puis mélanger les deux ensemble dans After Effects qui est un programme de composition.
Tout ce que tu as à faire, c'est de t'assurer que les prises de vue s'alignent à peu près, en ajustant les objectifs pour chaque prise afin que les perspectives correspondent. Tu vas donc filmer l'acteur en 35mm, puis la marionnette en 18mm ou quelque chose d'approchant.

Dans ce que tu as fait, la difformité et la mutation reviennent souvent. D'où est-ce que ça vient ?
The Thing surtout, qui m'a obsédé lorsque j'étais enfant, mais aussi les films de David Cronenberg, Le Loup-Garou de Londres et Alien.
Ma mère travaillait pour The Spastics Society [organisation caritative pour l'égalité des personnes handicapées en Angleterre et au Pays de Galles], et cela a pu aussi jouer.

Y a-t-il dernièrement des effets spéciaux qui t'ont marqué au cinéma, ou certains artistes ?
Je suis sans arrêt bluffé. J'ai adoré Dune récemment, mais j'ai tendance à éviter les films à effets spéciaux car je les trouve ennuyeux. Je préfère revoir Frangins malgré eux. Quant aux artistes, il y en aurait trop à énumérer et je ne voudrais oublier personne.

Merci pour cette interview ! Quels sont tes projets actuellement ?
En ce moment, je travaille avec Tool et je continue de créer des monstres pour des films. J'écris beaucoup, et de temps en temps j'arrive à vendre un script. J'aimerais bien finir mes jours en faisant ça. Je réaliserai peut-être un long-métrage à un moment donné, si quelqu'un me le permet.

             


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